J’ai retouché les arcs de mes voutes car certains détails me genaient. Je vais donc dans cet article aborder des notions supplémentaires et en finir avec le tracé des voutes pour enfin enchainer sur la croisée d’ogive!
I/ Finalisation des voutes
La méthode pour déterminer H dans mon précédent article semble correct mais ce n’est pas comme ça qu’elle était déterminée par les bâtisseurs mais plutôt comme cela :
C’est simple ce schéma explique TOUT. Bien entendu ici c’est le tracé des voutes de la nef ce qui explique qu’on est plus sur un rectangle que sur un carré mais le principe est le même pour les cathédrales gothiques classiques et pour les voutes du collatéral.
On peut en déduire que :
– les axes des piliers sont bien une référence servant au tracé des voutes d’où leur intérêt sur le plan d’ensemble mais ils ne définissent pas directement le départ des voutes. Ils permettent de tracer 2 diagonales qui définissent le centre du cercle rose. Ce cercle, tangent au gros cylindre du pilier va lui permettre de définir le départ des voutes et donc le dôme fictif qui recouvrira ce rectangle.
– le tracé des voutes suit bien un tracé de triangle équilatéral. C’est le départ des voutes qui définit l’arc donc même si sur le plan d’ensemble les triangles partant des axes des piliers ne sont pas équilatéraux cela ne veut pas dire que les voutes, elles, ne suivent pas ce tracé!
– le tracé est calculé extrados (j’y reviens plus loin)
– les voutes croisées sont également en ogive (d’où croisée d’ogive) et elles sont tracées sur la diagonale de la travée également inscrites dans un triangle équilatéral.
Que de révélations qui ne remettent pas en cause mes intuitions! Je comprends mieux pourquoi ma prof. de math ne comprenait pas comment j’arrivais au résultat… Pour moi c’est l’inverse je galère à comprendre comment les autres y arrivent!
A/ La hauteur H
Voilà donc comment était déterminée la hauteur H à la manière des bâtisseurs :
Je suis arrivé au même résultat par projection… Hasard ou non je vous laisse méditer sur la question!
B/ Tracé final : voutes intrados
Une notion dont je n’ai pas parlé dans le tracé des voutes c’est la notion d’intrados / extrados. Elle est relativement simple à comprendre. L’extrados est la partie extérieure de la voute. C’est donc aussi la surface cachée du claveau. Comme on l’a vu plus haut en général les voutes sont déterminées par leur extrados. Ayant fait le chemin à l’envers pour la reconstruction, je suis parti sur l’intrados :
La raison est aussi dû au logiciel 3D : si vous partez sur l’extrados et que la hauteur de la géométrie qui va être répétée le long de la courbe n’est pas suffisante vous risquez d’avoir de la géométrie qui se chevauche sur l’arc intérieur. Cela n’arrivera jamais en partant de l’intrados puisque la géométrie s’étire vers l’extérieur.
C/ Le rayon des voutes
Les tracés de mon précédent article me dérangeaient car les voutes ne semblaient pas bien proportionnées entre elles. J’ai donc réfléchi sur le côté pratique :
– comment tailler un maximum de claveaux identiques pour construire les voutes et ainsi diminuer le temps de construction et les erreurs?
– comment avoir des voutes aux proportions toujours harmonieuses?
La solution est relativement simple : adopter les mêmes rayons de courbures d’une voute sur l’autre… Après avoir déterminé l’intrados de la fenêtre j’ai pu partir sur le même rayon de courbure pour les voutes transversales et longitudinales :
Rien n’est impossible car j’ai lu que certaines cathédrales étaient définies entièrement par un seul rayon : simplement incroyable!
Pour Reims la certitude que j’ai c’est que le même rayon est utilisée pour la fenêtre et la voute longitudinale qui supporte le mur de la nef (c’est VlD qui le dit).
Comment faire cela? Techniquement le principe est le même que les archivoltes. Il suffit de garder le même centre et augmenter le rayon de la valeur de l’entraxe voulu. Si vous voulez les mêmes proportions entre les voutes transversales et longitudinales il faut donc que votre écart soit proportionnel à la hauteur d’un claveau puisque c’est lui qui donne l’espace entre les différentes voutes.
Le cas de la fenêtre est le plus intéressant pour comprendre. Si je pars du principe de la figure 44. Si je définis mon rayon comme étant l’intrados de la fenêtre on constate 3 rangées de claveaux : 1 qui correspond à la fenêtre, 1 a largeur double qui supporte le premier et 1 troisième seulement à l’extérieur. Les arcs auront alors respectivement pour rayons R, R+1claveau et R+2claveaux.
De plus, si j’ai plus de distance à couvrir entre les 2 piliers, rien ne m’empêche d’utiliser un arc R+3 claveaux pour la voute transversale. L’avantage est évident on ne taille qu’un seul claveau qui pourra être utilisé à différents endroits et cela explique aussi que les fins de voutes finissent sur des hauteurs de claveaux différentes : on les empilent et on ajuste le dernier.
D/ Fenêtre
J’ai décidé de ne pas entièrement modéliser la fenêtre pour l’instant mais de définir l’encadrement et d’étudier son placement. Il faut dire que, comme pour le reste, il y a des éléments contradictoires entre les plans, la réalité et la modélisation. J’ai donc passé de nombreuses heures à tester les différentes possibilités en suivant le principe suivant :
Extérieur | Intérieur |
---|---|
Pour ceux qui ont lu les 3 articles précédents vous commencez à connaitre le refrain par chœur mais voici pour les autres : en rouge on retrouve le support de la voute transversale du collatéral, en blanc la voute de la croisée d’ogive et en bleu la voute de la fenêtre qui correspond donc à l’extrados de la voute longitudinale sous le mur de la nef.
Avec les informations que vous trouverez en bonus, j’ai opté pour la solution suivante :
Ce n’est pas la solution de la fenêtre figure 44 qui présente une archivolte supplémentaire au-dessus de la fenêtre. En fait il se trouve que tout colle mieux si la voute du formeret (en bleu sur les images) sort vers l’extérieur. Cela simplifie aussi toute la géométrie et le montage de la fenêtre dans la réalité car il suffit alors d’y glisser le cadre de la fenêtre en rose à la profondeur voulue. Pour vérifier j’ai placé la photo de la fenêtre dans l’encadrure 3D et elle rentre vraiment bien au point que je me suis dit que ça ne servait à rien de modéliser tout ça pour l’instant.
II/ La croisée d’ogive
Enfin on arrive à la croisée d’ogive. Je n’ai pas cherché à faire compliqué. On a déjà vu que la croisée d’ogive était inclue dans une sphère de rayon 4.4m (c’est le cercle qui correspond au tracé rose du début) donc pour simplifier :
1- J’ai aligné la diagonale de la croisée sur les axes X, Y en ajoutant un cercle de 4.4m en vue de dessus et de côté.
2- J’ai divisé son diamètre en 4
3- J’ai réalisé un arc en plaçant son centre au 1/4 du diamètre de rayon 6.6 et idem au 3/4
Pour avoir une vision plus 3D et voir que la croisée s’inscrit dans un cercle :
J’ai repris le profil que j’avais sur l’image du pied de l’article précédent et je l’ai fait courir le long de la courbe. Il a alors suffit de :
– tourner la demie voute (de 42,5°) pour la replacer dans le coin
– symétriser la géométrie suivant les plans XZ et YZ
Et voilà :
III/ Fusion, remplissage et résultat final
Pour joindre les différentes parties il a fallu fusionner toutes les géométries sur 1/4 de la voute. Cette solution permet de rapidement remplir l’espace entre les voutes :
Dans la partie vite faits :
– la texture de pierre basée sur une photo rendue répétable. C’est la même pour toutes les parties et je n’ai pas corrigé les problèmes d’échelle. Ce n’est pas la peine car cette étape se fait en dernier, une fois que toute la géométrie, le maillage ne bouge plus. C’est plus pour s’amuser à créer des premiers rendus :
– les chapiteaux sur les piliers. Rien de définitif car seule la forme carrée au départ des voutes est basée sur le plan du pilier.
– les chapiteaux du côté de la fenêtre seront à revoir de même pour ceux de l’encadrure de la fenêtre
– test des 2 arches de la fenêtre pour étudier le principe de leur encastrement mais j’ai encore des doutes sur leurs positions et leur tracé :
IV/ Conclusion
Ouf! Enfin je suis parvenu à une méthode pour tracer des voutes en 3D qui est assez rapide et qui, je l’espère, respecte leur conception initiale. A partir de cette méthode je peux normalement recréer n’importe quel système de voute avec différents profils, etc. C’est donc une grande avancée. L’avantage c’est qu’en simplifiant la géométrie elle sera pratiquement directement utilisable pour la réalité augmentée, la visualisation en temps réel sur votre navigateur web, etc
L’autre bonne nouvelle c’est qu’après cette période d’apprentissage sur les méthodes utilisées à l’époque et cette base assez saine sur la conception d’une travée je vais pouvoir avancer plus vite. Le prochain objectif est de finir entièrement le rez-de-chaussée de la travée en :
– créant le toit du collatéral
– perçant le mur qui prolonge le contrefort (il y a un espace de circulation à 5m à la base des fenêtres)
– fermant les espaces entre le mur extérieur, le toit, la fenêtre et les contreforts.
En attendant voilà le bonus sur les parties de la cathédrale de Reims étudiée par Vld
V/ Bonus Viollet-le-Duc
A/ Tracé des voutes
Mais une figure singulière, tracée dans l’Album de Villars de Honnecourt, nous donne la clef de tout un système de tracés d’arcs pour un édifice entier et permettant, comme dans l’exemple précédent, de faire des épures partielles avec une rigoureuse exactitude et sans avoir besoin d’aires d’une surface considérable. La planche XXXIX de cet album nous montre une clef de tiers-point tracée d’après la méthode précédente, puis une spirale coupée par une ligne droite passant par son œil. Au-dessous de ce croquis, on lit : « Par chu tailon one clef del quint point » (Par ce moyen taille-t-on une clef de quinte-point). Le texte ne se rapporte qu’au trait de la clef, mais la présence de cette spirale, dessinée là comme un simple souvenir, se rapporte évidemment aux tracés d’arcs engendrés par une division du diamètre en cinq. Ce croquis est celui reproduit exactement par le trait plein de notre figure 12
B/ Fenêtre de la cathédrale de Reims
Ce système apparaît complet dans la structure de fenêtres des chapelles du chœur de la cathédrale de Reims, qui ont dû être élevées vers 1215. Conformément à la méthode champenoise, les fenêtres présentent des berceaux d’arcs brisés, de larges ébrasements se terminant à l’intérieur en façon de formeret pour recevoir les remplissages des voûtes, et portant à l’extérieur un profil saillant sous lequel s’engagent deux arcs brisés et une rose reposant seulement sur ces deux arcs sans pénétrer dans les moulures de l’archivolte. Une figure est nécessaire pour expliquer cette structure très-importante en ce qu’elle nous donne la transition entre les claires-voies bâties et les claires-voies châssis. Nous donnons donc (17) un tracé perspectif de la partie supérieure de ces fenêtres pris de l’intérieur des chapelles. On voit en A le formeret-berceau qui appartient au style gothique primitif de la Champagne, formeret dont le profil est donné en B. Sous ce berceau-formeret est bandée l’archivolte C, ne faisant que continuer la section des colonnettes D et du double biseau recevant la feuillure de la verrière. En E est un sommier qui reçoit l’un des arcs retombants sur un meneau central G. La clef de cet arc est pénétrée par la rose, qui est seulement prise entre les claveaux de l’archivolte C. À son tour la rose reçoit en feuillure les redents H qui ne portent point feuillure, mais des pitons à l’intérieur pour maintenir les panneaux des vitraux. N’oublions pas de mentionner que les colonnettes du meneau central aussi bien que celles des pieds-droits ne sont point reliées à la construction, mais sont posées en délit, suivant la méthode usitée pour la plupart des colonnettes, à la fin du XIIe siècle.
Du côté extérieur, ces fenêtres donnent le tracé géométral (18).
L’archivolte C, étant un arc de décharge, se trouve naturellement soumise aux tassements et mouvements qu’eût subi la bâtisse : or, la rose étant laissée libre, maintenue seulement par le frottement entre les reins de l’archivolte, ne risque pas d’être brisée par ces tassements ; elle peut être quelque peu déformée, comme le serait un cerceau de fer ou de bois que l’on presserait, mais ne saurait se rompre. C’est là une marque de prévoyance acquise par une longue observation des effets qui se manifestent dans d’aussi vastes constructions. Toutes les fenêtres de la cathédrale de Reims sont construites d’après ce principe. Notre figure géométrale (18) indique en A la coupe de la partie supérieure de la fenêtre, B étant le berceau-formeret intérieur. On voit en C la façon dont sont encastrés les redents de la rose, maintenus à leur extrémité D par un cercle en fer et des clavettes E ; en G les feuillures des vitraux posés à l’intérieur. On remarquera que cette feuillure dans l’appui, dont la coupe est tracée en I, se retourne pour rejeter sur le talus extérieur H les eaux pluviales ou de buée coulant le long des vitraux. Un détail perspectif K fait saisir cette disposition double des feuillures. En L nous avons tracé une section horizontale des meneaux et pieds-droits avec la saillie du talus circulaire M ; en O la pénétration des bases des colonnettes des pieds-droits et meneaux établis sur plan droit dans ce talus (voy. Chapelle, fig. 36 et 37). Que les fenêtres de la cathédrale de Reims soient étroites ou larges, elles ne possèdent toujours qu’un meneau central et deux vides ; il en résulte que ces vides ont, soit 1m,20 c. de largeur, soit 2m,30 c. Pour maintenir les panneaux des vitraux dans d’aussi larges baies, il fallait des armatures en fer très-fortes