Voilà le début de l’évolution de mon œuvre finale avec les 15 premières feuilles de 65x50cm(un tableau pour l’instant de 3m sur 1m50) :
Je vous rassure (ou pas) mais ce n’est que le début car j’ai déjà 48 feuilles en gestation. Où vais-je? Dans quel état j’erre? That’s the question…
I/ Pourquoi?
Cette idée de grand fusain vient de plusieurs constats :
– multiplier les petites créations ne m’apporte plus aucune satisfaction
– la véritable liberté pour un artiste est de ne pas avoir à vendre pour exister
– le temps ne doit pas être une contrainte. Le processus de création est intemporel mais effectivement nous sommes tous mortels!
– une œuvre doit pouvoir insuffler une émotion (l’émerveillement, la surprise, etc) ou entraîner un questionnement, une réflexion.
Si vous voulez savoir comment ces réflexions se sont mises en place vous pouvez lire la suite sinon vous pouvez passer directement à la présentation de l’œuvre.
A/ L’historique
Je dessine depuis mon plus jeune âge comme un besoin vital d’échapper aux temps et contraintes du monde réel. Pendant des années j’ai voulu partager mes créations et mes idées en les multipliant, parfois en les vendant. Cette course à la création m’a entraîné vers une certaine exaspération. Combien de mes dessins sont encore dans des cartons? Des centaines…
A une époque je jetais simplement ces dessins à la poubelle : à quoi bon les garder puisque s’ils étaient encore là c’est qu’ils ne plaisaient pas! Puis une autre possibilité m’a fait changer d’avis : ils n’avaient peut-être pas encore trouvé leur propriétaire.
J’ai donc investi de mon temps pour créer une boutique en ligne. Au bout de 3 ans d’investissement à prendre des photos, créer des fiches descriptives et à gérer les petites ventes je me suis demandé si cet investissement en valait vraiment la peine… Et la réponse finale est clairement : non!
Non parce qu’il ne suffit plus de créer une boutique pour vendre, il faut aussi développer son réseau, établir une stratégie commerciale : publier sur les réseaux sociaux régulièrement, aller dans des salons pour se faire connaître, etc et tout cela prend encore et toujours beaucoup trop de temps… On passe alors de la passion au métier et à sa dure réalité!
B/ De la passion au métier
Il ne faut pas être naïf et non il ne suffit pas d’être doué pour artistiquement exister et pour le comprendre il faut déjà se poser ces 2 questions :
– Comment des artistes côtés peuvent réussir à vendre des toiles à plus de 1000€ du mètre carré alors qu’elles sont techniquement digne d’un amateur emplâtré? Qui donc fait de l’art un business d’investissement?
– Si un artiste ne peut pas toucher ces élites.. Comment réussir à vendre au juste prix une création originale quand le grand public n’a pas conscience que le prix d’une feuille de papier aquarelle pour créer une œuvre originale… C’est le prix que paye une grande surface pour une reproduction chinoise?
Dur métier donc car une fois le secteur professionnel et le grand public écartés il ne reste que la chance de toucher un public d’amateurs d’art.
Ceci explique que beaucoup d’artistes n’ont pas d’autres choix que de miser sur les reproductions pour rentabiliser leurs œuvres originales et leur permettre de toucher un public plus vaste en réduisant le coût de vente.
Le hic c’est qu’en France un artiste peut réaliser légalement qu’une dizaine de reproduction quand des grandes enseignes en impriment des milliers. L’autre hic c’est que sur beaucoup de sites spécialisés l’artiste touche au final 5 à 10% du prix de vente (le site s’occupant de l’impression, expédition, etc). Ainsi pour une œuvre originale à 100€ une reproduction sera vendue 50€ et s’il réussit à vendre les 10 il touchera donc 500€x10% = 50€ avant impôt… Pas la folie hein? Imaginez tous les efforts pour gagner 50€… Alors oui certains contournent ces limitations et passent de 10 reproductions à 100 en modifiant leur taille, le support, etc Comment les blâmer quand on connaît le poids d’une concurrence quasi illégale? En plus même si cela permet de mieux rentabiliser le temps passé à créer l’œuvre originale, ça ne diminue pas le coût de reproduction puisqu’on reste toujours sur des petites séries..
C/ Les siècles de l’éphémère.
Cela explique un autre fait : le fait que ce siècle ne fera pas éclore d’œuvres monumentales de qualité au regard des peintures qui ont existé. Quand on regarde le passé certaines toiles sont impressionnantes et ont nécessité des années de travail dans des formats peu conventionnels. Dans notre siècle c’est devenu tout simplement financièrement impossible pour le commun des artistes traditionnels.
Si on considère que pour avoir 50€ il faut vendre 10 reproductions alors pour vivre de son art il faut pouvoir créer une œuvre originale tous les jours… Comment l’artiste peut-il alors développer son talent? La même problématique s’applique à certains youtubeurs qui doivent régulièrement publier des vidéos avec un contenu intéressant pour exister alors qu’ils doivent déjà jongler avec le montage vidéo, les effets, etc La concurrence est féroce et parfois ça va le pousser à rentrer dans une logique de productivité et de rentabilité au détriment de la qualité… La seule solution pour l’artiste est de vendre plus cher, encore faut-il avoir des contacts pour pouvoir le faire.
Au final être un artiste professionnel est un métier dur et compliqué qui suit comme le reste une dure loi du marché. Ce métier (il y a toujours quelques rares exceptions..) ne laissent pas l’artiste pleinement s’épanouir dans la création. Pour vivre il est obligé de répartir son temps avec tous les autres aspects de son métier (financiers, marketing, etc) au prix selon moi d’une certaine liberté. Il en est malheureusement de même pour tout notre artisanat qui est noyé dans cette surproduction mondiale et dans des contraintes réglementaires fortes. La seule chance de survie? Avoir une identité forte, souvent locale et espérer qu’elle se développe suffisamment avant de se la faire voler (un peu comme le destin d’une startup qui incube des talents pour se faire ensuite gentiment manger par plus grand..).
Personnellement en laissant trop l’aspect créatif de côté je sentais la frustration monter et j’ai alors réalisé que ma grande chance c’était que j’avais un autre métier pour payer mes factures. J’ai donc décidé de tirer un trait sur ma boutique, les ventes, etc pour me consacrer au rêve que chaque artiste doit avoir selon moi en secret : créer l’œuvre qui lui survivra.
D/ L’œuvre ultime
Pour ma part cette œuvre n’a pas vocation à être vendue mais juste à être partagée. Elle doit rester une énigme, un testament et surtout la liberté de créer sans compromis ni désir de plaire ou de satisfaire. Mon mentor pourrait être le facteur Cheval qui a continué son œuvre quel qu’en soit le coût humain, matériel et temporel. Son obstination force le respect et pour moi ce projet est en fait né d’une réflexion et d’une volonté permanente qui a débuté après 2013 et qui a sans cette été repoussée.. Voici l’évolution du grand Fusain par la pensée…
II/ Présentation
L’idée de ce grand fusain est un cheminement de pensées. Un désir de toujours plus fou, plus grand dont voici les principales étapes :
A/ 2013
C’est en 2013 que j’ai commencé à vouloir créer une œuvre plus grande sans compromis de taille. Pour se faire j’ai décidé de partir sur des pages A4 :
Toutefois ce projet n’a pas rencontré du succès… (il faut dire qu’il n’a jamais été exposé). Cela ne m’a pas empêché de vouloir partager l’expérience d’une œuvre plus imposante à un plus grand nombre de personnes.. J’ai donc poursuivi ma réflexion et la solution est sortie en 2015!
B/ 2015 : Big Défi
Après 1 à 2 ans de gestation j’ai alors inauguré le big défi une œuvre plus grande, plus complète et plus complexe. Pour résumer : plus folle! L’idée est de créer une œuvre évolutive plus abordable car sous forme de jeu et au format de marque-pages. Très complexe, (trop complexe?) le big défi est en fait le commencement de mon aventure puisque cette œuvre aborde toutes les techniques et réflexions qui sont mises à profit dans mon grand fusain. Une parfaite synthèse de mes différentes passions (dessin, programmation, un peu d’animation, de la peinture numérique et un peu de 3D) D’ailleurs… Qui sait… Peut-être même que le big défi en fera partie et en sera la fin! https://www.no-art.fr/bigdefi/#home
C/ 2017 : Le premier fusain d’une première série
C’est cette année que j’ai commencé un dessin de 4 fusains chacun mesurant 65x50cm :
Les 4 fusains réunis dans un essai rapide de colorisation :
D/ 2018 : le début de la Fusion
4 Fusains c’était déjà bien mais je me suis dit que ce grand fusain pouvait être le lien entre mes diverses créations. J’ai alors ressorti mes fusains préférés et j’ai regardé comment je pouvais les faire revivre autrement. Je savais que cela ne serait pas possible de tous les intégrer pleinement pour des raisons de continuité et de cadrage mais j’étais étonné de voir que beaucoup possèdent la même perspective et s’y intègrent parfaitement.
Ainsi le premier fusain datant de 2015 a rejoint le coin en bas à droite :
Un autre s’est raccroché en bas à gauche, etc et d’autres viendront se cacher au fur et à mesure!
E/ Le futur?
En 2019 et 2020 j’ai passé énormément de temps à réaliser le présent ensemble de 15 fusains. Vous vous doutez bien qu’il devient compliqué au fil du temps de travailler sur un dessin de 3 mètres sur 2. Il faut sans cesse jongler parmi les feuilles de 65×50 cm… Aussi pour ne pas sombrer dans une certaine lassitude j’ai passé 3 mois à développer un concept novateur à la manière du Big Défi qui va rendre ce fusain tout simplement plus évolutif et surprenant!
L’idée est de travailler par année et par plans et la surface devrait doubler en 2021, en 2022, etc. L’objectif est d’atteindre plus de 1000 Fusains avec une taille de 40x650mm soit 26mètres de long dans les 5 ans… Impossible?
Challenge.. Accepté avec un rendez-vous en fin d’année pour les 24 premiers! Pour l’instant voilà le grand fusain version fin 2020 :